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Le journaliste algérien Ihsane El-Kadi aux mains de la sécurité intérieure


Farid Alilat

@Jeune Afrique

Le directeur de l’agence Interface Médias, Ihsane El-Kadi, a été placé en garde à vue dans la nuit du vendredi 23 décembre au samedi 24 décembre à la caserne Antar, sur les hauteurs d’Alger, un site appartenant à la Direction générale algérienne de la sécurité intérieure (DGSI). Les locaux de son agence, qui abritent les sièges de Radio M ainsi que du journal en ligne Maghreb Émergent, ont été placés sous scellés. Les avocats et les proches du journaliste affirment ignorer les motifs de son interpellation.

« Bien traité » mais « choqué »

Un membre de sa famille, qui a pu lui rendre visite dimanche après-midi à la caserne d’Antar, a indiqué à Jeune Afrique que le journaliste est « bien traité », mais, en fin de matinée ce lundi 26 décembre, il n’avait toujours pas été auditionné par la police judiciaire. « Il est choqué par la mise sous scellés des médias qu’il dirige et se dit très inquiet pour le sort des journalistes et du personnel », affirme sa fille, Tin Hinane, jointe par téléphone. Le collectif d’avocats chargé de sa défense devrait lui rendre visite ce même jour, dans l’après-midi.

Journaliste indépendant et très critique à l’égard du pouvoir et de l’armée, Ihsane El-Kadi a déjà été convoqué à deux reprises par la DGSI et fait l’objet de poursuites judiciaires. Ses proches et ses soutiens affirment qu’il est victime de « harcèlement ».

Vendredi vers 22h, Ihsane El-Kadi a reçu un coup de fil lui demandant de se présenter à la caserne Antar, siège de la DGSI, « pour prendre un café ». Le journaliste explique qu’il est en famille, à son domicile de Zemmouri, à l’est d’Alger, et propose de se déplacer dans l’après-midi du samedi pour honorer le rendez-vous. Il informe également son interlocuteur de son souhait d’aviser l’opinion publique de cette nouvelle interpellation.

Une demi-heure plus tard, nouveau coup de fil d’un autre agent de la DGSI avec lequel Ihsane El-Kadi a déjà été en contact par le passé. Cette fois, l’homme lui propose de le retrouver le soir même dans un café sur les hauteurs d’Alger pour une « discussion informelle ». Nouveau refus du journaliste. Vendredi, à minuit trente, six agents en civil de la sécurité intérieure débarquent à son domicile et lui intiment l’ordre de les suivre.

Il faudra attendre samedi, dans l’après-midi, pour que des agents de la DGSI obtiennent auprès d’un procureur de la République un mandat de perquisition, sans que le journaliste n’ait été présenté devant le magistrat. Menottes aux poignets, Ihsane El-Kadi est alors conduit pour une perquisition dans les locaux de l’agence Interface Médias où du matériel informatique et des documents administratifs sont saisis. Les journalistes et le personnel administratif présents sont alors priés de quitter les lieux, avant que les locaux ne soient placés sous scellés.

Condamnation à six mois de prison

Dimanche, dans l’après-midi, l’épouse et la fille du journaliste ont pu le voir dans un bureau de la caserne Antar, en présence d’un agent de la DGSI. Un autre agent allait et venait entre ce bureau et les locaux de cette caserne. Dans le même temps, et alors même que le journaliste se trouvait dans les locaux de la DGSI, la Cour d’Alger l’a condamné à une peine de six mois de prison ferme, sans mandat de dépôt, et à une amende de 50 000 dinars (environ 340 euros), pour « publication de fausses informations ». En cause, une plainte déposée contre lui par l’ancien ministre de la Communication, Amar Belhimer, portant sur un article publié en mars 2020 au sujet de Radio M. Le journaliste est par ailleurs poursuivi dans une deuxième affaire devant le tribunal de Larbaâ Nath Irathen (Tizi-Ouzou) pour « appartenance à une organisation terroriste ».

Depuis son interpellation par les agents de la DGSI, il n’a fait l’objet d’aucun interrogatoire formel, a assuré Ihsane El-Kadi à ses proches. Le journaliste est persuadé qu’il doit son interpellation à un article publié le 17 décembre sur le site de Maghreb Émergent. Le texte, titré « Deuxième mandat : l’armée nationale populaire redoute autre chose qu’une Bouteflikisation de la présidence Tebboune », revient notamment sur les rumeurs faisant état d’une volonté du chef de l’État algérien de se maintenir au pouvoir à l’issue de son mandat en cours. Selon sa fille, qui a pu échanger avec lui, des agents de la DGSI auraient en outre clairement exigé du journaliste qu’il cesse de parler de l’armée. Ce qui lui aurait d’ailleurs été demandé au cours d’une précédente interpellation.

« La perquisition a été faite pour chercher des pièces à conviction ou des documents pouvant justifier des poursuites judiciaires », suggère la fille du journaliste. À l’heure où nous écrivions ces lignes, la famille du journaliste et ses avocats ne savaient pas quelle était l’autorité – judiciaire, militaire ou politique – qui avait pris la décision d’enclencher cette nouvelle affaire judiciaire contre Ihsane El-Kadi.


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