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En Algérie, le coup de grâce à la presse -La Croix



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Ihsane El Kadi va bien. Aussi bien que possible. C’est tout ce que pouvaient transmettre mardi 27 décembre sa famille et le collectif d’avocats qui ont pu rendre visite au journaliste, l’un des plus renommés d’Algérie, détenu à la fameuse caserne Antar de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), près d’Alger. « Aucune information n’a été fournie sur les raisons de son arrestation, sa garde à vue de 48 heures a été prolongée de 48 heures, vont-ils jouer les prolongations ? Tout est possible en Algérie », soupire l’avocat Mustapha Bouchachi.

Les services de renseignements n’ont pas lésiné pour donner un caractère grave et spectaculaire à l’interpellation du journaliste. Six hommes en civil sont venus le déloger au cœur de la nuit du 23 au 24 décembre, dans sa résidence de Zemmouri à 60 kilomètres à l’est d’Alger, a communiqué sa fille Tin Hinane. Le 24 dans l’après-midi, c’est menotté qu’il est apparu encadré par une brigade de la DGSI dans les locaux de son agence Interface Médias, qui édite la station Radio M et le site Maghreb Émergent.

Une condamnation à six mois ferme

« Les bureaux ont été perquisitionnés, les ordinateurs, disques durs et documents embarqués, puis les locaux mis sous scellés », rapporte une salariée sous le choc, espérant poursuivre l’activité en télétravaillant. « Ihsane el Kadi est très préoccupé par la fermeture de son entreprise et les conséquences pour les 30 personnes qui y travaillent », rapporte Mustapha Bouchachi.

L’étau ne cesse de se resserrer autour du journaliste victime de harcèlement judiciaire, sous le coup de plusieurs affaires pendantes, et condamné à six mois ferme, sans dépôt, à la suite d’une plainte d’un ex-ministre de la communication pour un article paru en mars 2020. Condamnation confirmée en appel et rendue publique le 25 décembre. Mais chacun se perd en conjectures sur cette arrestation, qui pourrait ne pas être liée à ce jugement.

Serait-ce son article du 17 décembre sur l’armée évaluant l’hypothèse d’un deuxième mandat pour le président Tebboune qui aurait déplu ? Ou son tweet du 23 décembre qui taclait le président pour ses propos « grossiers » sur un prétendu pactole de 20 milliards de dollars qui aurait été récupéré chez les oligarques de la « Issaba » (à savoir la bande qui gravitait autour de l’ex-président Bouteflika) ? « En Algérie, c’est le monde à l’envers, d’abord on arrête les personnes et après on cherche, ou on invente, des choses à leur reprocher », fulmine Tin Hinane. Que les services algériens aient choisi le 24 décembre, quand la planète regarde ailleurs, pour l’arrêter n’est sans doute pas un hasard.

La mobilisation à l’étranger, « la seule chose qui peut faire peur au régime »

Partout en Algérie et à l’étranger, la mobilisation s’organise afin de faire pression pour la libération du journaliste et sauver Radio M et Maghreb Émergent, considérés comme les derniers survivants d’une presse indépendante étouffée par le régime. « Ils nous cassent, nous broient. Et on ne sait même plus exactement qui ils sont. Mais on ne lâchera pas », tempête ainsi la militante féministe Wiame Awres. « Imaginez si on portait tous en nous l’engagement, la liberté et le courage d’Ihsane El Kadi… Ils deviendraient fous ! Mobilisons-nous tous pour Ihsane et Interface Médias. Rendons-les fous ! », demande l’économiste Kahina Redjala.

Les signatures s’amoncellent sous la pétition hébergée sur la page Facebook de Radio M. Reporters sans frontières appelle à « la libération immédiate et inconditionnelle » d’Ihsane el Kadi. La presse internationale s’en fait largement l’écho. Ses nombreux soutiens espèrent ainsi faire plier le régime algérien.

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