À mots feutrés, les polémiques entre l’armée et la présidence se poursuivent en Algérie. Au cœur des débats, le renouvellement du mandat d’Abdelmajid Tebboune en 2024. Rien n’est encore joué, mais le journaliste Ihsane El Kadi a été la victime indirecte de cet affrontement.
Vendredi 17 décembre 2022 paraît à Alger, sous la signature du journaliste Ihsane El Kadi, un article remarqué qu’Orient XXI a reproduit. Il reflète les doutes de généraux algériens sur l’opportunité de se prononcer sans tarder en faveur d’un deuxième mandat de l’actuel président de la République Abdelmajid Tebboune, alors que celui-ci a démarré une discrète campagne électorale qui ne dit pas son nom. À deux ans de l’élection présidentielle fixée en principe à décembre 2024, ce n’est pas le moment. Il ne serait pas prudent de se déclarer trop tôt en sa faveur et de se retrouver piégés, disent en substance ces généraux.
Six jours plus tard, le journaliste et patron du dernier groupe de presse indépendant d’Algérie est emprisonné en pleine nuit, ses locaux perquisitionnés et ses 25 salariés expulsés de leur lieu de travail. Il rejoint les quelques 300 prisonniers politiques que compte le pays selon les organisations de défense des droits humains. Trois mois plus tard, El Kadi est condamné à cinq ans de prison dont deux avec sursis pour « des actes susceptibles de porter atteinte à la sécurité et au fonctionnement normal des institutions ». La rapidité du « jugement » et la sévérité de la peine traduisent la nervosité et l’embarras de Tebboune qui a ses (mauvaises) raisons de se venger du journaliste.
En quoi un article de presse menace-t-il « la sécurité » (nationale) et interrompt-il « le fonctionnement normal des institutions » de la République algérienne démocratique et populaire ? En rien a priori, à moins qu’il ne soit publié dans une phase de tension entre deux institutions majeures, la présidence et l’armée.