Abdelkrim Boudra
J'avoue que j'ai du mal à parler de mes ami (e) s détenu (e)s. Je ressens un malaise vis à vis des centaines d'autres concitoyens (nes) anonymes qui n'ont pas la chance d'être aussi exposés médiatiquement. J'ai beau lire des articles scientifiques sur la nécessité (psychologique et opératoire et non pas éthique ou politique) de l'empathie sélective, mais je ressens toujours cette défaillance vis à vis des 'oubliés' de la solidarité...
Mais je ne pouvais ce matin ne pas penser, et prier, très fort à mon camarade Ihsane El Kadi . Ca le faisait rire que je l'appelle camarade au début de notre connaissance. Il pensait que c'était une plaisanterie qui lui rappelait ses amours de gauche...avant qu'on en discute un jour et qu'il comprenne le sens que j'accorde à ce terme fortement connoté...
Car pour moi ihsane symbolise justement cette capacité à dépasser, transcender son bord politique et idéologique pour écouter et s'ouvrir à l'autre dans la seule perspective ( et c'est ça l'obsession de ihsane) d'offrir une solution politique démocratique pacifique au pays.
Et c'est parceque Ihsane est une mémoire qu'il incarne si naturellement et joliment cette utopie féconde . Mémoire du combat politique du mouvement national de son défunt père dont il parle souvent, mémoire des luttes démocratiques politiques qu'il a embrassées très jeune, mémoire des combats pour les droits de l'homme pour lesquels il a été emprisonné il y a quarante ans...
C'est tout naturellement que Ihsane a comme beaucoup été conquis, habité par le Hirak qui incarne et exhume en nous toutes ces mémoires oubliées.
En celà Ihsane incarne l'Histoire que ses bourreaux s'apprêtent à quitter.
A très vite Camarade.