Pour protester contre l’arbitraire, Ihsane El Kadi a gardé le silence lors de son procès, dimanche 26 mars, devant le tribunal de Sidi M’hamed à Alger (Algérie). Arrêté chez lui dans la nuit du 23 au 24 décembre 2022 et emprisonné à la prison d’El-Harrach, le journaliste algérien, directeur et fondateur des sites Radio M et Maghreb Émergent, est devenu le nouveau symbole d’une liberté de la presse bafouée. L’Algérie figure à la 134e place sur 180 pays au classement mondial de Reporters sans frontières (RSF).
Accusé de « financement étranger de son entreprise », et plus précisément d’avoir reçu « des fonds et des avantages de provenance étrangère aux fins de se livrer à une propagande politique », Ihsane El Kadi sera fixé sur son sort dans moins d’une semaine, le 2 avril, date à laquelle la justice rendra sa décision. Le parquet a requis dimanche 26 mars cinq ans de prison ferme, 700 000 dinars d’amende (plus de 68 000 euros), cinq ans d’interdiction d’exercer ainsi qu’une amende de 10 millions de dinars contre sa société, Interface Médias, qui édite Radio M et Maghreb Émergent. Des réquisitions lourdes, aussitôt dénoncées par ses avocats, ses proches et ses nombreux défenseurs.
Pour eux, il ne fait aucun doute qu’Ihsane El Kadi, dont le dernier article évoquait les hésitations de l’armée à reconduire l’actuel président Abdelmadjid Tebboune pour un second mandat, un tabou, subit « l’acharnement » du régime. Le 24 février dernier, le président avait d’ailleurs traité sans ambages cette figure emblématique de la presse indépendante algérienne de « khabardji », d’agent de l’étranger.
Selon les avocats du journaliste, on lui reproche un financement venu de l’étranger, notamment un transfert de la somme de 25 000 livres sterling (environ 28 000 euros) effectué par sa fille, Tinhinane Kadi, résidente au Royaume-Uni et actionnaire d’Interface Médias. L’argent devait servir au paiement des salaires des employés à la suite du blocage des comptes de la société à cause d’une dette fiscale.
Depuis des mois, des années, comme d’autres journalistes, Ihsane El Kadi, dans le collimateur du pouvoir algérien, subissait un harcèlement policier, administratif et judiciaire. Son cas illustre le sort fait aux voix libres et aux médias indépendants en Algérie.